très le seum car mercure en rétrograde
On se faisait chier mais d'une force. Quand bien même il avait encore beaucoup à apprendre, Ghirahim avait conscience qu'il s'était réveillé au milieu d'un royaume fracturé, en pleine reconstruction. On lui avait raconté, pour les cent ans de fléau, de famine, de peur. Pas que ça le touche particulièrement, vous en conviendrez, il en avait même rien à cirer, mais pour ne pas froisser ses interlocuteurs il gardait pour une fois ses pensées en son for intérieur.
Mais alors pourquoi ces gens semblaient si ignorants de leur propre histoire ? Cela lui paraissait improbable, de voir des archéologues s'affairer à examiner des ruines, à étudier des textes anciens, alors que tous les peuples du royaume s'efforçaient à reconstruire leur pathétique civilisation. Pourquoi chercher des réponses dans un si funeste passé alors qu'ils pouvaient se concentrer sur le présent et le futur ?
Ghirahim supposait que cette amertume naissait dans son incompréhension des us et des coutumes de ce royaume. Rien n'avait de sens pour lui - rien ne concordait avec ce qu'il connaissait, du peu dont il se souvenait en tous cas. Il avait le souvenir d'une terre vierge de tout contact humain, d'îles dans le ciel et d'une aura qui englobait la terre et les souterrains, rassurante, étouffante... mais d'une façon plutôt agréable.
C'était à ne rien y comprendre. Il avait parlé de ces îles célestes dont le souvenir lui revenait aux autres archéologues, mais rien - on l'avait même regardé plutôt bizarre. Ensuite, il en avait parlé à Tauro, et si celui-ci n'avait aucune idée de quoi il parlait, il avait au moins eu le respect d'avoir l'air intrigué.
Et depuis... rien. Pas la moindre bribe d'informations. Et Ghirahim se retrouvait souvent à observer le ciel, dans l'attente d'y voir ces îles dont l'image restait intacte dans son esprit pourtant si endommagé. Urgh. Il avait l'impression que toutes les planètes existantes s'alignaient pour l'ennuyer.
Et même maintenant, alors qu'il suivait Tauro alors que celui-ci étudiait les fortifications intérieures du château d'Hyrule, laissé à l'abandon depuis que le Fléau avait été abattu, Ghirahim observait le ciel, de son éternel regard vide qui intimidait tant les autres hyliens qu'il croisait. Un regard sans âme, c'est ce qu'on avait chuchoté. Quand bien même les mots de ces vermines ne le touchaient point, il n'avait pu ignorer la justesse d'une telle remarque. Ses yeux étaient vides, comme deux perles noires vernies et taillées pour ressembler à des yeux. Pourtant, il avait une âme. Sinon, son discours intérieur n'aurait jamais eu lieu.
Il baisse les yeux pour les poser sur la silhouette de Tauro, qui s'est un peu éloigné. Ils sont censés rejoindre le prodige hylien, ce "Link", sous peu. Ou alors était-il censé les rejoindre ici ? Dans tous les cas, Ghirahim n'avait pas hâte - ce minuscule cafard ne lui revenait pas, et il avait l'impression que c'était réciproque.