What's with this sassy, lost child ? | CONITUS

Au fil de ses excursions à travers Hyrule, il finissait toujours par revenir dans la Forêt Korogu de temps à autres, comme une manière de se ressourcer. Revoir ses adelphes, se blottir contre l'Arbre Mojo qui l'inondait de sa compassion, retrouver l'endroit qui l'avait vu naître – pour ne pas oublier d'où il venait, pour ne pas oublier qui il était. Pour ne pas laisser le mal gagner.

Il avait remarqué de l'activité hylienne à proximité de la forêt, il y avait quelques temps. Ou peut-être était-ce l'un de ses adelphes qui l'en avait averti. Il ne s'en souvenait plus. Dans tous les cas, il n'en avait d'abord rien pensé de particulier, habitué depuis des années à voir des hyliens approcher de ce qu'ils avaient baptisé les Bois Perdus pour bien rarement y trouver ce qu'ils cherchaient.

Mais l'activité ne discontinuait pas, et avait fini par piquer l'intérêt du petit Korogu. Il demeurait, malgré le mal qui le rongeait, un être juvénile et curieux par nature. Jour après jour, il observait de loin, dissimulé sous sa forme invisible. Il y avait là du monde qui allait et venait, du matériel qui circulait. Quelque chose se construisait, finit-il par comprendre. Mais quoi ? Et pourquoi ici, spécifiquement ?

Souhaitant en avoir le cœur net, il décide un jour de s'approcher un peu plus du chantier. Il attend patiemment un moment de pause des ouvriers afin que l'endroit soit le moins peuplé possible, et donc plus simple à explorer.

C'est sous sa forme de Kokiri, moins discrète mais plus robuste, qu'il serpente entre les arbres pour s'approcher des lieux. Parvenu aux derniers troncs capables de le dissimuler avant de devoir traverser une plaine, ce qui l'exposerait à la vue de tous, il jette un œil aux alentours. La présence de ce qui lui semble être un cartographe, perché non loin de là, ne lui échappe pas, mais il estime l'individu trop absorbé par son ouvrage pour pouvoir le repérer. Alors, sans un bruit, il quitte l'abri conféré par les bois et avance d'un pas rapide en direction du chantier, avide d'en savoir plus ... avant de se retrouver brusquement devant une personne semblant apparue de nulle part, qu'il manque de heurter. Stoppé dans sa progression, et un peu abasourdi, lui qui pensait la voie entièrement libre, il lève la tête vers celui qui l'arrête, faisant plier sa nuque pour y parvenir du haut de son petit gabarit d'enfant.

Sous le masque, les yeux clignent avec une surprise mêlée d'intérêt. La personne n'a encore rien dit, et encore moins esquissé le moindre geste. Dans le doute, pour chasser la possibilité qu'il s'agisse d'un tour de son esprit, il vient vivement planter son index dans l'abdomen de celui qui lui fait face, juste pour voir si cela provoque une réaction ou non.

Son geste provoque bel et bien une réaction. Un imperceptible soupir de soulagement lui échappe maintenant qu'il est certain que rien de tout cela n'est une vision. À la protestation indignée qu'on lui oppose, il se contente de répondre platement :

Tu es réel.

Bien présent et bien tangible. C'est qu'il n'est malheureusement pas inhabituel que l'emprise du Fléau vienne cruellement distordre ses perceptions afin de lui montrer des choses qui n'ont de réel que son imaginaire corrompu.

Alors que tu le questionnes à nouveau, c'est à son tour de protester, bien que son intonation reste plate et stoïque.

Je ne suis pas un enfant. J'existais avant toi.

Même si son véritable âge lui est inconnu, il est certain qu'il a au minimum une centaine d'années, ce qui supplante aisément ce qu'il estime être la vingtaine au vu de ton gabarit et de ta voix.

Il recule d'un pas, désireux de moins tirer sur sa nuque pour pouvoir continuer de t'observer malgré votre évidente différence de taille. Son regard finit néanmoins par te quitter pour se fixer sur le chantier derrière toi, qu'il pointe du doigt en demandant avec une curiosité toute juvénile :

S'il y a rien à voir, c'est quoi ça ?

Et de poursuivre, relevant son visage masqué vers le tien :

Toi, qu'est-ce que tu cherches ? On est à côté de la forêt, ici. Vous les appelez bien les Bois Perdus, non ?

Personne ne peut y entrer, personne ne peut s'approcher de l'Arbre Mojo, excepté la princesse Zelda – et sans doute son chevalier servant, mais Conitus n'a jamais eu le privilège de l'apercevoir. Alors pourquoi construire quelque chose aussi près d'un endroit dans lequel on ne peut pénétrer ?

Au vu de la réaction qu'il a tirée de toi l'instant d'avant, il s'attend à faire face à de l'impatience, voire de l'agacement. Tes mots lui ont suffi pour comprendre que peu importe ce qui se trame ici, la curiosité n'est pas la bienvenue. Il est donc particulièrement surprenant pour lui de te voir s'accroupir devant lui pour te mettre à sa hauteur. Deux écoles dans ce genre de situation : soit on l'a réellement pris pour un enfant et on s'apprête à l'infantiliser, ce qui a fortement tendance à le vexer, soit il s'agit d'une forme de respect compte tenu de sa nature et son âge – et en soi, d'une manière d'égaliser le rapport. Étonnant donc, mais appréciable. Tu lui sembles avoir l'esprit vif, après tout, et comme il l'espérait, il n'aura pas fallu plus d'une phrase ou deux pour te faire comprendre que tu n'as pas affaire à un simple enfant sauvage. Ta complète acceptation lui est intéressante, bien qu'il n'en dise rien.

Tu l'enjoins au calme, bien qu'il le soit déjà si ce n'est pour ses questions qui s'accumulent, et commences à lui expliquer les choses le plus simplement du monde. Touché par la confiance immédiate que tu sembles lui accorder, il ne commente pas ton allégeance, puisque tu ne lui parais pas être dans une posture menaçante ou dangereuse.

S'il avait eu un visage plutôt que son masque, tu l'aurais vu plisser des yeux, l'esprit empli de réflexions. Encore une fois, la facilité avec laquelle tu lui délivres des informations le saisit. Il n'en dit rien pour le moment cependant et s'attèle plutôt à te répondre, presque satisfait de te contredire :

Si, ça m'intéresse ! Je veux voir !

Grotte, cabane, ruines, peu importe. Vous vous trouviez à proximité de sa maison, ce qui attisait une curiosité déjà bien présente de par sa nature de petit être juvénile. Il se dresse d'ailleurs sur la pointe des pieds, tâchant de dépasser son petit mètre vingt-et-un, pour exprimer son impatience à t'emboîter le pas dans cette visite promise.

Pourquoi vous construisez une base ici, d'ailleurs ? Je croyais que les Yigas étaient tous dans le désert Gerudo. C'est là-bas que vous cherchez-

Il s'interrompt soudain, prenant conscience des mots qui allaient lui échapper et potentiellement te vexer, gâchant toute sympathie mutuelle établie jusqu'ici. Pourtant, la question reste sur le fond de son esprit. C'est bien dans le désert que le grand Kohga a disparu, et c'est bien dans le désert que ses disciples le cherchent. Alors pourquoi se rapprocher de la forêt, de la civilisation, des Sheikahs, autrement dit, du danger ?

Impossible d'en être certain avec sa mémoire aux souvenirs tressautants, mais il se demande très sérieusement si tu ne comptes pas parmi les âmes qui lui ont accordé leur confiance le plus rapidement – ou du moins, semblent l'avoir fait. D'ordinaire, on perçoit l'influence du Fléau imprimé dans sa chair, on s'aperçoit au premier coup d'œil qu'il n'est pas un Korogu comme les autres, ce qui a plutôt tendance à éveiller la méfiance. Dans les mauvais moments, ceux où la corruption se manifeste particulièrement, même les animaux craignent de l'approcher. Que tu le traites donc comme s'il n'y avait rien d'étrange – rien d'impur – avec lui, ça le touche bien davantage qu'il ne le montre. Tu lui souris, même, et bien qu'il n'en dise rien, il y reconnaît la lassitude des grandes souffrances, celle qu'on ne retrouve que chez ceux qui ont trop vu, trop tôt, et trop vécu, trop vite. Ça le rend triste pour toi, d'un coup, et il te l'aurait fait remarquer sans gêne si tu n'avais repris la parole à ce moment-là. Tu l'autorises à visiter en bonne et due forme le chantier qui l'intriguait tant, et de contentement, il bat des mains avant de répondre avec empressement :

Oui, promis, promis ! Je ne toucherai à rien ni à personne, je serai sage !

Il tique sur le reste – vous n'auriez donc plus de maison ? – mais n'en dit rien du tout, soudainement saisi par la main qui se tend vers lui avec un naturel déroutant. Immédiatement, son cœur se serre tristement devant la pureté du geste, auquel il ne peut même pas répondre. Seul l'Arbre Mojo sait ce qu'il donnerait pour pouvoir à nouveau toucher un être vivant sans l'empoisonner. Il choisit pour l'heure de ne rien en dire, de peur que tu reviennes sur ta décision, et se contente de ranger maladroitement les mains derrière son dos pour signifier sans mot dire que la main tendue restera malheureusement vide. Si tu savais combien il aimerait ne pas avoir ce fichu masque pour que tu puisses voir sur son visage à quel point il est désolé. Fort heureusement, tu ne sembles pas t'en formaliser, et continues tes explications.

Je vois, qu'il répond, songeur. C'est pour ça que vous n'avez plus de maison. À cause des monstres. C'est triste, de ne plus avoir de maison.

Tu l'interroges et il doit se forcer à garder les mains bien hors d'atteinte, dissimulées derrière son dos, alors qu'instinctivement l'envie d'esquisser un geste songeur, d'effleurer le menton, est bien présente.

Des Lynels, ici ? Pas que je sache, non. Je pense qu'ils ne veulent pas s'approcher de la forêt. Vous devriez être plus en sécurité ici que dans le désert.

Derrière lui, les doigts s'entrecroisent pour s'obliger à rester en place. Pour donner le change, il se dresse un instant sur la pointe des pieds avant de revenir bien à plat, comme on le ferait pour s'étirer, ou pour initier un mouvement vers l'avant.

Allez, je te suis !

L'entrain est parfaitement audible dans son intonation, bien qu'une pointe d'appréhension demeure sur le fond de son esprit. Il s'apprête à se trouver au milieu de plusieurs personnes, il devra donc redoubler d'attention afin de n'en toucher aucune et de ne surtout pas provoquer d'accident.